Dans son arrêt du 18 juin 2018, le Conseil d’Etat a rappelé que l’activité professionnelle rémunérée s’entend d’une activité qui permet à la personne l’exerçant de disposer de revenus professionnels réguliers. En français dans le texte : qui arrive à vivre de son activité.
En l’espèce, une artiste peintre n’a perçue aucune ressource en 2014 et 2015. En 2016, elle a perçue un excédent de son activité à hauteur de 2 712 €. Or, la CAF a suspendu ses droits aux APL car elle a pris les revenus de son activité professionnelle, a appliqué l’article R 351-7 du Code de la construction et de l’habitation, donc a soumis l’artiste à l’évaluation forfaitaires de ses ressources pour l’année de référence. L’artiste au final a perdu son droit aux APL.
Le Conseil d’Etat décide ainsi que si les revenus professionnels sont faibles et épisodiques, l’évaluation forfaitaire est exclue. Seuls les revenus retenus pour l’établissement de l’impôt sur le revenu sont à prendre en considération.
Cette décision jouera très certainement également pour toutes les autres formes d’allocations logement.
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Je serais rémunéré par l’aide juridictionnelle
Conseil d’État
N° 409685
ECLI:FR:CECHR:2018:409685.20180618
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème et 6ème chambres réunies
M. Florian Roussel, rapporteur
Mme Laurence Marion, rapporteur public
SCP GATINEAU, FATTACCINI, avocats
Lecture du lundi 18 juin 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme A…B…a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler la décision du 18 juillet 2016 par laquelle le directeur de la caisse d’allocations familiales de Paris a refusé de lui verser l’aide personnalisée au logement pour l’année 2016. Par un jugement n° 1612430 du 10 février 2017, le tribunal a fait droit à sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 avril et 7 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la caisse d’allocations familiales de Paris demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler ce jugement ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande de MmeB… ;
3°) de mettre à la charge de Mme B…la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de la construction et de l’habitation ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,
– les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la caisse d’allocations familiales de Paris.
1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une décision du 2 mars 2016, la caisse d’allocations familiales de Paris a suspendu, pour l’année 2016, le versement à Mme B…de l’aide personnalisée au logement au motif que l’évaluation forfaitaire de ses ressources dépassait le plafond d’octroi de l’allocation ; que l’intéressée a formé un recours administratif que le directeur de la caisse, statuant après avis de la commission de recours amiable, a rejeté par une décision du 18 juillet 2016 ; que, saisi par Mme B…, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision par un jugement du 10 février 2017 contre lequel la caisse d’allocations familiales de Paris se pourvoit en cassation ;
2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 351-5 du code de la construction et de l’habitation : » I- Les ressources prises en considération pour le calcul de l’aide personnalisée sont celles perçues par le bénéficiaire, son conjoint et les personnes vivant habituellement au foyer. (…) / Sont retenues les ressources perçues pendant l’année civile de référence. L’année civile de référence est l’avant-dernière année précédant la période de paiement prévue à l’article R. 351-4. Ces ressources sont appréciées selon les dispositions qui figurent ci-dessous et après application le cas échéant des dispositions des articles R. 351-6, R. 351-7-1, R. 351-7-2 et R. 351-10 à R. 351-14-1, sauf dans les cas prévus à l’article R. 351-7 où sont retenues les ressources évaluées forfaitairement conformément aux dispositions dudit article. / II.-Les ressources prises en considération s’entendent du total des revenus nets catégoriels retenus pour l’établissement de l’impôt sur le revenu (…). / (…) Ne sont pas déduits du décompte des ressources les déficits constatés au cours d’une année antérieure à celle qui est prise en considération et qui font l’objet d’un report, en vertu du I de l’article 156 du code général des impôts (…) » ; qu’aux termes du I de l’article R. 351-7 de ce code : » Il est procédé à une évaluation forfaitaire des ressources de la personne et de son conjoint ou concubin lorsque les conditions ci-après sont réunies : 1° D’une part, (…) soit, à l’occasion du renouvellement du droit autre que le premier, lorsqu’au cours de l’année civile de référence ni le bénéficiaire, ni son conjoint, ni son concubin n’a disposé de ressources appréciées selon les dispositions de l’article R. 351-5 ; 2° D’autre part, le bénéficiaire, son conjoint ou son concubin perçoit une rémunération. (… ) La condition relative à l’existence d’une activité professionnelle rémunérée (…) est appréciée au cours du mois civil précédant l’ouverture du droit ou du mois de novembre précédant le renouvellement du droit. » ;
3. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que lorsqu’un ménage n’a pas perçu de ressources prises en considération pour le calcul de l’aide personnalisée au logement au cours de l’année civile de référence mais qu’il apparaît, au mois de novembre de l’année suivante, qu’un de ses membres exerce désormais une activité professionnelle rémunérée, la caisse procède à une évaluation forfaitaire des ressources pour déterminer si les conditions d’un renouvellement pour une année civile sont remplies et fixer, le cas échéant, le montant de l’aide qui sera versée à compter du 1er janvier suivant ; qu’une activité professionnelle rémunérée au sens de ces dispositions est une activité qui permet à la personne qui l’exerce de disposer de revenus professionnels réguliers ; que ne peuvent être regardés comme des revenus professionnels réguliers des revenus faibles et épisodiques ;
4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme B…a déclaré, au titre de l’année 2014, qui constituait l’année civile de référence pour le calcul de ses droits pour l’année 2016, une pension de vieillesse d’un montant de 3 948 euros et un déficit professionnel de 7 348 euros, correspondant à son activité d’artiste-peintre ; que, pour annuler la décision de la caisse d’allocations familiales de Paris, le tribunal administratif a retenu que, compte tenu de la pension de vieillesse perçue, Mme B…avait disposé en 2014 de ressources appréciées selon les dispositions de l’article R. 351-5 du code de la construction et de l’habitation et qu’elle ne pouvait dès lors faire l’objet d’une évaluation forfaitaire de ressources pour le calcul de ses droits pour l’année 2016 ; qu’en statuant ainsi, alors que, compte tenu du déficit lié à l’exercice de l’activité d’artiste-peintre, supérieur au montant de sa pension de vieillesse, le total des revenus nets catégoriels perçus par MmeB…, au titre de l’année civile de référence, était négatif, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que son jugement doit, par suite, être annulé ;
5. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;
6. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que Mme B…a exercé, au cours des années 2014 et 2015, une activité d’artiste-peintre au titre de laquelle elle a enregistré un déficit de 7 348 euros en 2014 et un excédent de 2 712 euros en 2015 ; que pour estimer que les conditions posées par l’article R. 351-7 du code de la construction et de l’habitation pour procéder à l’évaluation forfaitaire de ses revenus étaient remplies, la caisse d’allocations familiales a relevé, d’une part, que l’intéressée n’avait disposé d’aucune ressource appréciée selon les dispositions de l’article R. 351-5 au titre de l’année 2014, qui constituait l’année civile de référence, et, d’autre part, qu’elle avait exercé une activité professionnelle rémunérée en 2015 ; que toutefois, au regard des caractéristiques de son activité d’artiste-peintre qui ne lui a permis de percevoir en 2015 que des revenus faibles et épisodiques, Mme B…ne pouvait être regardée comme exerçant, en novembre 2015, une activité professionnelle rémunérée au sens du 2° du I de l’article R. 351-7 précité ; que Mme B…n’ayant déclaré au titre de l’année 2015 aucun autre revenu professionnel, la caisse d’allocations familiales de Paris ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l’article R. 351-7 du code de la construction et de l’habitation, procéder à l’évaluation forfaitaire de ses ressources en vue du calcul de ses droits à l’allocation personnalisée au logement pour l’année 2016 ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la demande, la décision du 18 juillet 2016 par laquelle la caisse a confirmé la suspension de l’allocation personnalisée au logement versée à l’intéressée pour l’année 2016 doit être annulée ;
7. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeB…, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la caisse d’allocations familiales de Paris et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 10 février 2017 est annulé.
Article 2 : La décision du directeur de la caisse d’allocations familiales de Paris du 18 juillet 2016 est annulée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la caisse d’allocations familiales de Paris au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la caisse d’allocations familiales de Paris et à Mme A…B….