La loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, modifiée par la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (dite loi ALUR), prévoit, dans son article 17, que dans les « zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements », le préfet doit fixer chaque année, par arrêté, un loyer de référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré, exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logement et par secteur géographique.
Le tribunal a estimé que ce dispositif d’encadrement des loyers ne pouvait être mis en œuvre dans la seule commune de Paris, mais aurait dû l’être dans les 412 communes de la région d’Ile-de-France comprises dans la « zone d’urbanisation continue » de l’agglomération parisienne, telle qu’elle est définie par le décret du 10 mai 2013 relatif à la taxe annuelle sur les logements vacants auquel renvoie le décret du 10 juin 2015 relatif à la mise œuvre de ce dispositif.
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS
Nos 1511828, 1513696, 1514241, 1612832, 1711728
___________
ASSOCIATION « BAIL À PART – TREMPLIN
POUR LE LOGEMENT »
CHAMBRE FNAIM DU GRAND PARIS et autres
ASSOCIATION UNPI PARIS et
Mme S… P…
___________
Mme Jeanne Sauvageot
Rapporteur
___________
Mme Laure Marcus
Rapporteur public
___________
Audience du 14 novembre 2017
Lecture du 28 novembre 2017
_________
38-08-02
C
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le tribunal administratif de Paris
(6ème section – 2ème chambre)
Vu les procédures suivantes :
I – Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2015 sous le no 1511828, et des mémoires,
enregistrés le 8 février 2016 et le 25 juillet 2017, l’association « Bail à part – Tremplin pour le
logement », représentée par Me Afane-Jacquart, demande au tribunal, dans le dernier état de ses
écritures :
1°) d’annuler l’arrêté du 25 juin 2015 par lequel le préfet de la région d’Ile-de-France a
fixé les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés en
tant que cet arrêté ne concerne pas l’ensemble des communes de l’agglomération parisienne,
mais seulement la commune de Paris ;
2°) d’enjoindre au préfet de la région d’Ile-de-France de fixer les loyers de référence, les
loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés pour l’ensemble de
l’agglomération parisienne ;
3°) à titre subsidiaire, d’enjoindre au préfet de la région d’Ile-de-France de prendre, sans
délai, les mesures nécessaires à la fixation des loyers de référence, des loyers de référence
majorés et des loyers de référence minorés pour l’ensemble de l’agglomération parisienne et, une
fois ces mesures réalisées, de fixer lesdits loyers de référence, loyers de référence majorés et
loyers de référence minorés sur l’ensemble de l’agglomération ;
Nos 1511828, 1513696, 1514241, 1612832, 1711728 2
4°) d’annuler l’article 4 de l’arrêté du 25 juin 2015 qui fixe sa date d’entrée en vigueur
au 1er août 2015 ;
5°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros en application de
l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– le préfet a violé les articles 17 et 25-9 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 en limitant
le champ d’application territorial de l’arrêté contesté à Paris et non pas à l’ensemble des
communes de l’agglomération parisienne au sens de la liste annexée au décret n° 2013-382 du
10 mai 2013 ; les « zones » définies au I de l’article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 sont
indivisibles ; la circonstance que tous les territoires d’une même zone définie au I de l’article 17
ne soient pas touchés par le mécanisme d’encadrement légal des loyers entraîne une
méconnaissance du principe d’égalité ; l’alinéa 6 du I de l’article 17 prévoit que les compétences
attribuées par cet article sont exercées, dans la région Ile-de-France, par le représentant de l’Etat
dans la région ; le préfet, pour prendre un arrêté s’étendant à l’ensemble de l’agglomération
parisienne, pouvait s’appuyer sur les données de l’observatoire des loyers de l’agglomération
parisienne (OLAP) alors même que cet organisme n’était agréé que pour la commune de Paris ;
le préfet n’est pas tenu par les données qui lui sont transmises par les observatoires des loyers ;
– le préfet a commis une erreur de droit ; l’arrêté est entaché d’incompétence négative
en ce que le préfet s’est cru lié par la décision du 29 août 2014 du Premier ministre selon laquelle
« le dispositif sera donc appliqué à titre expérimental à Paris » ;
– l’article 4 de l’arrêté qui fixe sa date d’entrée en vigueur au 1er août 2015 est entaché
d’erreur de droit car le préfet a méconnu l’étendue de sa compétence ;
– en reportant dans le temps l’entrée en vigueur de l’arrêté contesté, le préfet a méconnu
l’article 14 alinéa 1er de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, ensemble les articles 17 et 25-9 de
la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;
– le préfet a commis une erreur manifeste d’appréciation en reportant au 1er août 2015 la
date d’entrée en vigueur de l’arrêté contesté.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 janvier 2016 et le 15 septembre 2017, le
préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris conclut au rejet de la requête et demande au
tribunal de condamner l’association « Bail à part – Tremplin pour le logement » à une amende
pour recours abusif.
Il soutient que :
– la requête est irrecevable car l’association requérante ne produit pas la décision par
laquelle son conseil d’administration a habilité son président à la représenter en justice ;
– les moyens soulevés par l’association « Bail à part – Tremplin pour le logement » ne
sont pas fondés.
Par une ordonnance du 15 septembre 2017, la clôture de l’instruction a été fixée au
25 septembre 2017.
L’association « Bail à part – Tremplin pour le logement » a présenté un mémoire,
enregistré le 21 octobre 2017, postérieurement à la clôture de l’instruction.
II – Par une requête, enregistrée le 10 août 2015 sous le no 1513696, et des mémoires,
enregistrés le 31 décembre 2015 et le 22 février 2016, la Chambre FNAIM du Grand Paris, la
Chambre nationale des propriétaires, la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM), l’Union
des syndicats de l’immobilier (UNIS) et le Syndicat national des professionnels de l’immobilier
(SNPI), représentés par la SCP Spinosi & Sureau, demandent au tribunal :
Nos 1511828, 1513696, 1514241, 1612832, 1711728 3
1°) d’annuler l’arrêté du 25 juin 2015 par lequel le préfet de la région d’Ile-de-France a
fixé les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés
dans la commune de Paris ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros en application de
l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– ils justifient d’un intérêt à agir contre l’arrêté du 25 juin 2015 ;
– l’arrêté litigieux a été pris au terme d’une procédure irrégulière car les dispositions de
l’article 13-1 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 imposaient la consultation du conseil national de
la transaction et de la gestion immobilières ;
– l’arrêté litigieux est entaché d’une erreur d’appréciation et d’une erreur de droit ; le
préfet s’est borné à déterminer les catégories de logement en fonction uniquement du « type de
location, non meublée et meublée » et de l’« époque de construction » ; ces éléments de
définition ne sauraient être regardés comme permettant de définir les catégories de logement
visés par la loi ALUR avec une précision suffisante ; l’époque de construction ne peut être
regardée comme un critère pertinent et utilement exploitable ; le type de location et le nombre de
pièces principales ne sauraient suffire à définir avec une précision suffisante un loyer de
référence s’imposant à la conclusions de baux de location dont le montant du loyer est
habituellement déterminé en fonction de critères multiples et bien plus complexes ; le préfet a
donc commis une erreur de droit au regard des dispositions de l’article 2 du décret du
10 juin 2015 et de l’article 17 de la loi du 6 juillet 1989 et méconnu le droit de propriété et la
liberté contractuelle ainsi que le principe d’égalité ;
– l’arrêté litigieux est entaché d’une erreur d’appréciation et d’une erreur de droit dans
la détermination des secteurs géographiques au sein de Paris ; le préfet n’a retenu que 14 secteurs
géographiques, chiffre très inférieur au nombre de zones prises en compte habituellement dans la
fixation du montant d’un loyer à Paris ; les secteurs ont été délimités à partir des 80 quartiers
administratifs de la ville de Paris, tels que définis par un décret impérial du 1er novembre 1859
qui n’est aucunement fondé sur la réalité du marché immobilier parisien actuel ;
– l’article 3 de l’arrêté est entaché d’une erreur d’appréciation et d’une erreur de droit ;
la majoration des loyers de référence des logements loués meublés doit permettre de tenir
compte du caractère meublé du logement et être déterminée à partir des écarts constatés entre les
loyers de logements loués nus et les loyers de logements loués meublés tels qu’observés par
l’observatoire local des loyers ; l’OLAP ne dispose pas de référence pour les logements
meublés ; la majoration a été arbitrairement fixée à près de 11 % quel que soit le secteur
géographique et le nombre de pièces ;
– l’arrêté litigieux est entaché d’une erreur de droit en ce que le mécanisme
d’encadrement des loyers qu’il instaure méconnaît le droit au respect des biens garanti par
l’article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que le principe de sécurité juridique ; le
dispositif d’encadrement des loyers fait reposer une charge disproportionnée sur les
propriétaires ; la contribution de l’arrêté à la réalisation de l’objectif social poursuivi par le
législateur est toute relative.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 janvier 2016 et le 8 février 2016, le préfet
de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Nos 1511828, 1513696, 1514241, 1612832, 1711728 4
III – Par une requête, enregistrée le 24 août 2015 sous le no 1514241, et des mémoires,
enregistrés le 3 février 2016 et le 20 octobre 2017, l’association Union nationale de la propriété
immobilière (UNPI) Paris et Mme S… P…, représentés par Me Cohen Boulakia, demandent au
tribunal :
1°) d’annuler l’arrêté du 25 juin 2015 par lequel le préfet de la région d’Ile-de-France a
fixé les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés
dans la commune de Paris ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros en application de
l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– leur requête est recevable ; l’UNPI, dont l’objet est de « défendre la propriété
immobilière, et les propriétaires et copropriétaires d’immeubles bâtis ou non bâtis » justifie d’un
intérêt à agir ; Mme P… est propriétaire de deux appartements à Paris qu’elle donne en location
et justifie ainsi également d’un intérêt à agir ;
– l’arrêté est entaché d’un vice de procédure ; il n’est pas justifié que les catégories de
logement et les secteurs géographiques aient été déterminés en fonction de la structuration du
marché locatif constatée par l’observatoire local des loyers ; ce dernier n’a pas déterminé les
secteurs géographiques selon l’homogénéité des loyers mais a repris les 80 quartiers
administratifs de Paris qui existent depuis 1860 ; le préfet a donc méconnu les dispositions de
l’article 2 du décret n° 2015-650 du 10 juin 2015 et de l’article 17 de la loi du 6 juillet 1989 ; le
préfet devait tenir compte des caractéristiques des logements pour chaque type de location,
meublée ou non meublée, et non pas considérer que le fait qu’une location soit meublée ou non
constitue une caractéristique au sens de l’article 2 du décret du 10 juin 2015 ; la seule distinction
opérée entre le type de location, le nombre de pièces principales et l’époque de construction ne
permet pas de définir des catégories de logements homogènes ;
– l’arrêté litigieux ne précise pas la durée pour laquelle les loyers de référence, majorés
et minorés sont fixées ; l’article 4 de l’arrêté précise que les dispositions entrent en vigueur à
compter du 1er août 2015 mais ne précisent pas si ces dispositions prendront fin le
31 décembre 2015 ou le 31 juillet 2016 ;
– l’arrêté litigieux concerne uniquement la commune de Paris ; une commune
appartenant à une agglomération ne constitue pas une « zone d’urbanisation » au sens de
l’article 17 de la loi du 6 juillet 1989 ; c’est l’ensemble de l’agglomération qui constitue la
« zone d’urbanisation » ;
– les 80 secteurs retenus ne constituent pas des « zones homogènes en termes de niveaux
de loyer constatés sur le marché locatif » ; les données statistiques ayant servi de base à la
fixation des loyers de référence sont insuffisantes ; le préfet a commis une erreur de droit et une
erreur manifeste d’appréciation ;
– les loyers de référence ne sauraient être compensés par le complément de loyer dont
les conditions sont très contraignantes ; ce complément doit être justifié par les caractéristiques
de localisation ou de confort, caractéristiques qui doivent avoir été déterminantes pour la fixation
du loyer notamment par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le
même secteur géographique ; en cas de contestation, la charge de la preuve repose sur le bailleur.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 janvier 2016, 19 février 2016 et
8 novembre 2017, le préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris conclut au rejet de la
requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.
Nos 1511828, 1513696, 1514241, 1612832, 1711728 5
IV – Par une requête, enregistrée le 16 août 2016 sous le no 1612832, et des mémoires,
enregistrés le 29 juin 2017 et le 20 octobre 2017, l’association Union nationale de la propriété
immobilière (UNPI) Paris et Mme S… P…, représentés par Me Cohen Boulakia, demandent au
tribunal :
1°) d’annuler l’arrêté du 20 juin 2016 par lequel le préfet de la région d’Ile-de-France,
préfet de Paris a fixé les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de
référence minorés dans la commune de Paris ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros en application de
l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles invoquent les mêmes moyens que ceux présentés dans la requête n° 1514241 et
précisent que Mme P… justifie d’un intérêt à agir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2017, le préfet de la région
d’Ile-de-France, préfet de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
– la requête est irrecevable en ce qui concerne Mme P… car elle ne justifie pas être
propriétaire de deux appartements à Paris ;
– les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 18 octobre 2017, la clôture de l’instruction a été fixée au
2 novembre 2017.
Le préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris a présenté un nouveau mémoire,
enregistré le 8 novembre 2017, postérieurement à la clôture de l’instruction.
V – Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2017 sous le no 1711728, et un mémoire,
enregistré le 20 octobre 2017, l’association Union nationale de la propriété immobilière (UNPI)
Paris et Mme S… P…, représentés par Me Cohen Boulakia, demandent au tribunal :
1°) d’annuler l’arrêté du 21 juin 2017 par lequel le préfet de la région d’Ile-de-France,
préfet de Paris a fixé les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de
référence minorés dans la commune de Paris ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros en application de
l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles invoquent les mêmes moyens que ceux présentés dans la requête no 1514241.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2017, le préfet de la région
d’Ile-de-France, préfet de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Nos 1511828, 1513696, 1514241, 1612832, 1711728 6
Vu :
– la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989,
– le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013,
– le décret n° 2014-1334 du 5 novembre 2014,
– le décret n° 2015-650 du 10 juin 2015,
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Sauvageot,
– les conclusions de Mme Marcus, rapporteur public,
– les observations de Me Afane-Jacquart, avocat de l’association « Bail à Part –
Tremplin pour le logement »,
– les observations de Me Spinosi, avocat de la Chambre FNAIM du Grand Paris, de la
Chambre nationale des propriétaires, de la FNAIM, de l’UNIS et du SNPI,
– les observations de Me Cohen Boulakia, avocat de l’association UNPI Paris et de
Mme P…,
– les observations de Mme Podan, représentant le préfet de la région d’Ile-de-France.
Une note en délibéré, présentée pour l’association « Bail à part – Tremplin pour le
logement », a été enregistrée le 20 novembre 2017.
Sur la jonction :
1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus, nos 1511828, 1513696, 1514241,
1612832 et 1711728 sont relatives à la légalité des arrêtés du 25 juin 2015, du 20 juin 2016 et du
21 juin 2017 par lesquels le préfet de la région d’Ile-de-France a fixé les loyers de référence, les
loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés dans la commune de Paris ; que
ces requêtes présentent à juger les mêmes questions et ont donné lieu à une instruction
commune ; qu’il y a lieu de les joindre et de statuer par un seul jugement ;
Sur les conclusions à fin d’annulation des requêtes no 1514241, no 1612832 et
no 1711728 de l’association UNPI Paris et de Mme P… :
Sur la recevabilité de la requête no1612832 :
2. Considérant que Mme P… a produit un avis d’imposition à la taxe foncière au titre
de l’année 2016 qui établit sa qualité de propriétaire de logements situés à Paris ; que, par suite,
la fin de non-recevoir soulevée par le préfet de la région d’Ile-de-France, tirée du défaut d’intérêt
à agir de Mme P…, doit être écartée ;
Sur les conclusions à fin d’annulation :
3. Considérant que l’association UNPI Paris et Mme P… soutiennent que les arrêtés du
25 juin 2015, du 20 juin 2016 et du 21 juin 2017 ont méconnu les dispositions de l’article 17 de
la loi du 6 juillet 1989 en limitant le champ d’application du dispositif d’encadrement des loyers
à la seule commune de Paris ;
4. Considérant qu’aux termes de l’article 17 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa
rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme
rénové : « I. – Les zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un
Nos 1511828, 1513696, 1514241, 1612832, 1711728 7
déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses
d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment
par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le
nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans
le parc locatif social, sont dotées d’un observatoire local des loyers prévu à l’article 16 de la
présente loi. Un décret fixe la liste des communes comprises dans ces zones. Dans ces zones, le
représentant de l’Etat dans le département fixe chaque année, par arrêté, un loyer de référence,
un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré, exprimés par un prix au mètre
carré de surface habitable, par catégorie de logement et par secteur géographique. Les
catégories de logement et les secteurs géographiques sont déterminés en fonction de la
structuration du marché locatif constatée par l’observatoire local des loyers. Chaque loyer de
référence est égal au loyer médian calculé à partir des niveaux de loyers constatés par
l’observatoire local des loyers selon les catégories de logement et les secteurs géographiques.
Chaque loyer de référence majoré et chaque loyer de référence minoré sont fixés respectivement
par majoration et par minoration du loyer de référence. Les compétences attribuées au
représentant de l’Etat dans le département par le présent article sont exercées, dans la région
d’Ile-de-France, par le représentant de l’Etat dans la région. (…) » ;
5. Considérant qu’aux termes de l’article 1er du décret du 10 juin 2015: « Les
communes comprises dans les zones mentionnées au I de l’article 17 de la loi du
6 juillet 1989 (…) sont celles qui figurent sur la liste annexée au décret du 10 mai 2013 (…). » ;
qu’aux termes du 2° de l’article 2 du même décret : « Les secteurs géographiques délimitent des
zones homogènes en termes de niveaux de loyer constatés sur le marché locatif. » ; qu’aux
termes de l’article 1er du décret du 10 mai 2013 relatif au champ d’application de la taxe annuelle
sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code général des impôts : « La taxe
annuelle sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code général des impôts
s’applique dans les communes dont la liste figure en annexe. » ; que ladite annexe comporte,
s’agissant de l’agglomération parisienne, une liste de 412 communes, situées dans chacun des
départements de la région d’Ile-de-France, parmi lesquelles figure Paris ;
6. Considérant qu’il résulte des dispositions citées aux points 4 et 5 que les « zones
d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants », qui doivent être dotées d’un observatoire
local des loyers et dans lesquelles le préfet doit fixer chaque année, par arrêté, des loyers de
référence, comprennent nécessairement toutes les communes qui s’y rattachent figurant sur la
liste annexée au décret du 10 mai 2013 ; qu’ainsi, s’agissant de l’agglomération parisienne, cette
« zone d’urbanisation » est constituée des 412 communes dont la liste est établie par ladite
annexe ; que, par suite, le préfet de la région d’Ile-de-France devait fixer des loyers de référence
pour toutes les communes concernées, et non pour la seule commune de Paris ;
7. Considérant que le préfet de la région d’Ile-de-France fait néanmoins valoir que la
différence marquée entre les loyers constatés à Paris et dans le reste de l’agglomération
parisienne, l’étendue de cette agglomération qui rend l’encadrement des loyers moins pertinent
en dehors de Paris, ainsi que le statut administratif particulier de Paris qui est à la fois une
commune et un département et ne fait pas partie d’un établissement public territorial,
justifieraient que le dispositif prévu par les dispositions citées aux points 4 et 5 ne soit mis en
oeuvre que dans la capitale ; que, toutefois, ces circonstances, propres à l’agglomération
parisienne, ne peuvent avoir d’influence sur le champ d’application de ces dispositions de portée
générale qui prévoient la délimitation au sein de la « zone d’urbanisation », de « secteurs
géographiques », correspondant à des « zones homogènes en termes de niveaux de loyers
constatés sur le marché locatif » ; que, par ailleurs, la circonstance que, jusqu’en juin 2016,
l’observatoire local des loyers de l’agglomération parisienne n’avait été agréé par le ministre du
logement que pour Paris est également sans influence à cet égard ;
Nos 1511828, 1513696, 1514241, 1612832, 1711728 8
8. Considérant, ainsi, qu’en ne fixant les loyers de référence que pour la commune de
Paris, le préfet de la région d’Ile-de-France a commis une erreur de droit dans l’application des
dispositions citées aux points 4 et 5 ;
9. Considérant que cette erreur de droit a eu pour conséquence que les loyers de
référence ont été fixés pour des secteurs géographiques délimités à l’intérieur de la seule
commune de Paris et non à l’échelle de l’ensemble de l’agglomération ; qu’ainsi, compte tenu
des effets qu’a pu avoir cette erreur de droit sur la détermination des loyers de référence, les
arrêtés attaqués doivent être annulés en ce qu’ils concernent la commune de Paris et non pas
seulement en tant qu’ils ne concernent pas les communes de l’agglomération parisienne en
dehors de Paris ;
10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’annuler les arrêtés du
25 juin 2015, du 20 juin 2016 et du 21 juin 2017, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres
moyens des requêtes de l’association UNPI Paris et de Mme P… ;
Sur les conclusions aux fins d’annulation et d’injonction de la requête no 1511828 de
l’association « Bail à part – Tremplin pour le logement » et les conclusions à fin d’annulation de
la requête no 1513696 de la chambre FNAIM du Grand Paris et autres :
11. Considérant que le juge de l’excès de pouvoir ne peut, en principe, déduire d’une
décision juridictionnelle rendue par lui-même ou par une autre juridiction qu’il n’y a plus lieu de
statuer sur des conclusions à fin d’annulation dont il est saisi, tant que cette décision n’est pas
devenue irrévocable ; qu’il en va, toutefois, différemment lorsque, faisant usage de la faculté
dont il dispose dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il joint les requêtes pour
statuer par une même décision, en tirant les conséquences nécessaires de ses propres
énonciations ; que, dans cette hypothèse, toutes les parties concernées seront, en cas d’exercice
d’une voie de recours, mises en cause et celle à laquelle un non-lieu a été opposé, mise à même
de former, si elle le souhaite, un recours incident contre cette partie du dispositif du jugement ;
12. Considérant qu’il résulte de l’annulation de l’arrêté du préfet de la région
d’Ile-de-France du 25 juin 2015 que les conclusions présentées par l’association « Bail à Part –
Tremplin pour le logement » et par la chambre FNAIM du Grand Paris et autres tendant à
l’annulation du même arrêté ont perdu leur objet ; qu’il n’y a donc plus lieu d’y statuer ;
13. Considérant que le présent jugement en ce qu’il prononce un non lieu à statuer sur
les conclusions à fin d’annulation présentées par l’association « Bail à Part – Tremplin pour le
logement » n’appelle aucune mesure particulière d’exécution ; qu’ainsi, les conclusions à fin
d’injonction présentées par ladite association ne peuvent qu’être rejetées ;
Sur les conclusions du préfet de la région d’Ile-de-France tendant à la condamnation de
l’association « Bail à part – Tremplin pour le logement » à une amende pour requête abusive :
14. Considérant que la faculté prévue par les dispositions de l’article R. 741-12 du code
de justice administrative de prononcer une amende pour requête abusive constitue un pouvoir
propre du juge ; que, par suite, les conclusions présentées à cette fin par le préfet de la région
d’Ile-de-France ne sont pas recevables et doivent être rejetées ;
Nos 1511828, 1513696, 1514241, 1612832, 1711728 9
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative :
15. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge
de l’Etat le versement d’une somme totale de 2 000 euros à l’association UNPI Paris et à
Mme P… au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a, en
revanche, pas lieu de mettre à la charge de l’Etat les sommes demandées par l’association « Bail
à Paris – Tremplin pour le logement » et la chambre FNAIM du Grand Paris et autres au titre de
l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Les arrêtés du 25 juin 2015, du 20 juin 2016 et du 21 juin 2017 par lesquels le préfet
de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris a fixé les loyers de référence, les loyers de référence
majorés et les loyers de référence minorés dans la commune de Paris sont annulés.
Article 2 : L’Etat versera la somme totale de 2 000 euros à l’association UNPI Paris et à
Mme P… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d’annulation de la requête
no 1511828 de l’association « Bail à part – Tremplin pour le logement » et de la requête
no 1513696 de la chambre FNAIM du Grand Paris, de la Chambre nationale des propriétaires, de
la Fédération nationale de l’immobilier, de l’Union des syndicats de l’immobilier et du Syndicat
national des professionnels de l’immobilier.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête no 1511828 de l’association « Bail à part –
Tremplin pour le logement » et de la requête no1513696 de la chambre FNAIM du Grand Paris,
de la Chambre nationale des propriétaires, de la Fédération nationale de l’immobilier, de l’Union
des syndicats de l’immobilier et du Syndicat national des professionnels de l’immobilier est
rejeté.
Article 5 : Les conclusions du préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris tendant à la
condamnation de l’association « Bail à part – Tremplin pour le logement » à une amende pour
requête abusive sont rejetées.