Le juge doit se prononcer par une même décision sur le divorce et sur la disparité que celui-ci peut créer dans les conditions de vie respectives des époux (autrement dit, sur le divorce et sur le principe du droit à prestation compensatoire).
A défaut de surseoir à statuer sur le prononcé du divorce, le juge ne peut ordonner une mesure d’instruction relative à la prestation compensatoire, sans, au préalable, constater une disparité dans les conditions de vie respectives des époux créée par la rupture du mariage. Telle est la solution rappelée par la première chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 15 novembre 2017 (Cass. civ. 1, 15 novembre 2017, n° 16-25.700, F-P+B N° Lexbase : A7110WZD ; déjà en ce sens : Cass. civ. 1, 30 septembre 2003, n° 01-17.462, FS-P+B N° Lexbase : A6584C9Q ; Cass. civ. 1, 23 juin 2010, n° 09-13.812, FS-P+B+I N° Lexbase : A3297E3I).
L’arrêt de la Cour de cassation du 15 novembre 2017 :
CIV. 1 CH.B COUR DE CASSATION
Audience publique du 15 novembre 2017
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n 1191 F P+B Pourvoi n R 16-25.700 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par Mme Annick Z, épouse Z, domiciliée Le Pouliguen,
contre l’arrêt rendu le 12 septembre 2016 par la cour d’appel de Rennes (6 chambre A), dans le litige l’opposant à M. Jean-Louis Z, domicilié Saint-Marc-sur-Mer, défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 10 octobre 2017, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Bozzi, conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Bozzi, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme Y, de la SCP Le Griel, avocat de M. Z, l’avis de M. Sassoust, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’un jugement a prononcé le divorce de M. Z et de Mme Y ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 270 et 271 du code civil ;
Attendu qu’à défaut de surseoir à statuer sur le prononcé du divorce, le juge ne peut ordonner une mesure d’instruction relative à la prestation compensatoire, sans, au préalable, constater une disparité dans les conditions de vie respectives des époux créée par la rupture du mariage ;
Attendu que l’arrêt prononce le divorce et sursoit à statuer sur la demande de prestation compensatoire, dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise ordonnée aux fins d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait de se prononcer, par une même décision, sur le divorce et sur la disparité que celui-ci pourrait créer dans les conditions de vie respectives des époux, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il annule le projet d’état liquidatif de communauté de Mme Marie …, notaire associé à La Baule, l’arrêt rendu le 12 septembre 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Angers ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme Y la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour Mme Y.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
– IL EST FAIT GRIEF A l’arrêt attaqué d’avoir, après avoir prononcé le divorce des époux Z – Faucher aux torts exclusifs de M. Jean-Louis Z sursis à statuer sur la demande de prestation compensatoire de Mme Z dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise du nouveau notaire désigné après annulation du projet d’acte liquidatif de communauté de Me Marie …, notaire associé à la Baule.
– AU MOTIF QUE qu’il sera sursis à statuer sur les demandes des parties, dans l’attente de la détermination du droit à récompense de l’époux contre la communauté ;
– ALORS QUE il appartient au juge de se prononcer par une même décision sur le divorce et sur la disparité que celui-ci peut créer dans les conditions de vie respectives des époux ; qu’ainsi à défaut de surseoir à statuer sur le prononcé du divorce, le juge ne peut ordonner un sursis à statuer relatif à la prestation compensatoire sans, au préalable, retenir l’existence d’une disparité dans les conditions de vie respectives des époux créée par la rupture du mariage ; qu’en prononçant ainsi le divorce aux torts exclusifs de M. Jean-Louis Z tout en ordonnant un sursis à statuer relatif à la prestation compensatoire dans l’attente de la détermination du droit à récompense de l’époux contre la communauté sans, au préalable, retenir l’existence d’une disparité dans les conditions de vie respectives des époux créée par la rupture du mariage, la cour d’appel, qui n’a pas sursis à statuer sur le prononcé du divorce, a violé les articles 270 et 271 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION subsidiaire
– IL EST FAIT GRIEF A l’arrêt attaqué d’avoir annulé le projet d’acte liquidatif de communauté de Me Marie …, notaire associé à la Baule (44), et désigné en conséquence le président de la chambre des notaires de Loire-Atlantique, avec faculté de déléguer un notaire à l’exception de la Scp Sean-Louis Desbats et Pierre …, notaires associés à St-Nazaire, pour qu’il soit procédé à la liquidation de la communauté des époux Tirran/Faucher conformément aux dispositions de l’article 255-10 du code civil en vue d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager avec faculté de pouvoir interroger en application de l’article 259-3 du code civil, le fichier du Ficoba et tous autres organismes bancaires ou fichiers pour l’accomplissement de la mission d’expertise
– AU MOTIF QUE Considérant que Mme Y demande de débouter M. Z de tous droits à récompense à l’encontre de la communauté sur le fondement de l’article 1433 du code civil et sollicite l’homologation du rapport d’expertise de Me …, alors que M. Z sollicite à titre principal l’annulation du projet d’acte liquidatif de communauté de Me … pour opposition d’intérêts, à titre subsidiaire, de confirmer le jugement en ce qu’il a chiffré sa récompense au titre des indemnités corporelles (rente d’invalidité versée en considération d’un taux d’I.P fonctionnelle de 40 % et d’I.P professionnelle de 45 %), sollicitant la réformation du jugement qui l’a débouté de sa demande de récompense au titre des héritages de ses parents ayant servi à financer des biens communs ; Que Mme Y sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a fait droit à la prétention à récompense de M. Z à l’encontre de la communauté quant aux indemnités perçues par la communauté à hauteur de 345.842, 94 euros, faisant droit au-delà du montant sollicité par l’époux, estimant que les indemnités perçues l’ont été à juste titre et ne peuvent recevoir la qualification de biens propres ; Que si M. Z qui invoquait avoir financé par fonds propres des travaux sur l’immeuble de St-Nazaire, a acquiescé au jugement le déboutant de ses droits à récompense à l’encontre de la communauté, néanmoins selon l’article 409 du code de procédure civile, cet acquiescement ne vaut pas renonciation à voie de recours de par l’appel principal formée par Mme Y ; Considérant que le rapport d’expertise de Me … a écarté la demande de récompense de M. Z sur le fondement des biens hérités de ses parents et sur les indemnités par lui perçues au titre de son préjudice corporel, sans donner de précision sur la nature de la réparation allouée (au titre d’un préjudice corporel et/ou d’un préjudice économique résultant de la perte de salaires), faute de justification en concluant que rien ne peut être chiffré à ce sujet alors que le tribunal, par application des dispositions de l’article 267 alinéa 4 du code civil, a débouté M. Z de son premier chef de demande, mais a évalué la récompense due à l’époux au titre de la perception de rentes d’invalidité, à la somme de 361. 974, 35 euros, alors que l’époux avait limité sa demande à 345.842, 94euros, ce poste étant évalué à 279.363 au titre d’une reprise au profit de M. Z dans le rapport de Me … en date du 1er décembre 2014, établi à la demande de l’intimé ; Considérant qu’il est justifié que Me Nathalie …, notaire associé au sein de l’étude notariale à La Baule, a établi un acte de notoriété le 30 août 2011 dans le cadre de la succession de Mme Y et a assisté cette dernière lors de la signature de la promesse de vente en octobre 2014 et lors de la vente du bien commun indivis en décembre 2014 ; Que Me … a adressé à Mme Y des sommes en provenance de la succession de sa mère par chèque du 30 août 2011 (pièce 46 de l’intimé), alors qu’un rendez-vous avait été pris par ce notaire et les époux Z dans le cadre de sa mission confiée par le juge conciliateur, le 7 juin 2011 ; Qu’il en résulte que M. Z justifie à bon droit que Me …, désignée en qualité d’expert neutre, était en réalité le conseil de Mme Y et qu’il y a manifestement une opposition d’intérêts, contraire au principe de l’impartialité objective du notaire désigné en qualité d’expert en vue d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial des époux et de formation des lots à partager par application de l’article 255 10 du code civil ; Qu’il convient d’annuler le projet d’acte liquidatif de Vinet-Treillard et de désigner le président de la chambre des notaires de Loire-Atlantique, avec faculté de délégation un notaire à l’exception de la Sep Jean-Louis Z et Pierre …, notaires associés à St-Nazaire, pour qu’il soit procédé à la liquidation de la communauté ;
– ALORS QUE la nomination du notaire personnel de l’un des époux, comme notaire commis afin de procéder aux opérations de compte, liquidation, partage après divorce ne contrevient pas à l’exigence d’impartialité objective ; qu’en annulant le projet d’acte liquidatif de Me …, au seul motif qu’elle était en réalité le conseil de Mme Y et qu’il y avait manifestement une opposition d’intérêts, contraire au principe de l’impartialité objective du notaire désigné en qualité d’expert en vue d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial des époux et de formation des lots à partager par application de l’article 255 10 du code civil, la cour d’appel a violé l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme et le principe d’impartialité, ensemble les articles 255 10 et 267 du code civil.