La décision d’indu de RSA doit obligatoirement être motivée, que ce soit par la CAF ou par le Conseil départemental. Le fondement juridique est l’article L. 211-2 du CRPA. La décision d’indu de RSA doit comporter la nature de la prestation, le montant des sommes réclamées, le motif et la période sur laquelle porte la récupération. Par contre, elle n’est pas tenue d’indiquer les éléments servant au calcul du montant de l’indu.
L’obligation de motivation d’une décision d’indu de RSA
La décision par laquelle l’autorité administrative procède à la récupération de sommes indûment versées au titre de l’allocation de revenu de solidarité active (RSA) est au nombre des décisions imposant une sujétion et doit, par suite, être motivée en application de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA).
En effet, l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) dispose que :
Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.
A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :
1° Restreignent l’exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ;
2° Infligent une sanction ;
3° Subordonnent l’octroi d’une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ;
4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ;
5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ;
6° Refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir ;
7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l’un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l’article L. 311-5 ;
8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d’une disposition législative ou réglementaire.
Il en résulte qu’une telle décision doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. A ce titre, l’autorité administrative doit faire figurer dans la motivation de sa décision la nature de la prestation et le montant des sommes réclamées, ainsi que le motif et la période sur laquelle porte la récupération. En revanche, elle n’est pas tenue d’indiquer dans cette décision les éléments servant au calcul du montant de l’indu.
Conseil d’État
N° 420732
ECLI:FR:CECHR:2019:420732.20190708
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
1ère – 4ème chambres réunies
M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur
M. Charles Touboul, rapporteur public
SCP OHL, VEXLIARD ; SCP DIDIER, PINET, avocats
lecture du lundi 8 juillet 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Mme B…C…a demandé au tribunal administratif de Caen :
– d’annuler la décision implicite et les décisions expresses des 8 juin et 3 octobre 2016 rejetant ses recours administratifs formés contre la décision de la caisse d’allocations familiales de l’Orne en date du 29 mars 2016 de récupérer à son encontre un indu de revenu de solidarité active d’un montant de 2 134,83 euros pour la période du 1er mars 2014 au 29 février 2016 ;
– d’annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental de l’Orne a rejeté son recours administratif formé contre la décision du 15 septembre 2016 par laquelle il lui avait infligé une amende de 213 euros sur le fondement de l’article L. 262-52 du code de l’action sociale et des familles ;
– d’enjoindre au président du conseil départemental de l’Orne de lui rembourser les sommes prélevées sur ses prestations ;
– d’annuler la décision du président du conseil départemental de l’Orne confirmant la décision du 6 janvier 2017 par laquelle la caisse d’allocations familiales de l’Orne a mis fin à ses droits au revenu de solidarité active à compter du 1er janvier 2017 ;
– de la rétablir dans ses droits au revenu de solidarité active.
Par un jugement n°s 1602028, 1701017 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté ces demandes.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai et 17 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme C…demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler ce jugement ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à ses demandes ;
3°) de mettre à la charge du département de l’Orne la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Ohl, Vexliard, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 ;
– le code de l’action sociale et des familles ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le code de la sécurité sociale ;
– la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,
– les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de Mme C…et à la SCP Didier, Pinet, avocat du département de l’Orne ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu’après un contrôle de sa situation par la caisse d’allocations familiales de l’Orne, MmeC…, allocataire du revenu de solidarité active depuis octobre 2011, a été informée par une lettre du 29 mars 2016 de la décision de cette caisse de récupérer un trop-perçu d’un montant de 2 134,83 euros pour la période du 1er mars 2014 au 29 février 2016. Par une décision du 15 septembre 2016, le président du conseil départemental de l’Orne a infligé à Mme C…une amende administrative de 213 euros sur le fondement de l’article L. 262-52 du code de l’action sociale et des familles. Enfin, la caisse d’allocations familiales de l’Orne a, par décision du 6 janvier 2017, mis fin à ses droits au revenu de solidarité active à compter du 1er janvier 2017. Par un jugement du 21 décembre 2017, contre lequel Mme C… se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes contestant les décisions rejetant les recours administratifs qu’elle a formés contre ces trois décisions.
Sur le jugement attaqué, en tant qu’il statue sur l’indu de revenu de solidarité active :
2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration : » Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (…) imposent des sujétions (…) « . Aux termes de l’article L. 211-5 du même code : » La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision « .
3. La décision par laquelle l’autorité administrative procède à la récupération de sommes indûment versées au titre de l’allocation de revenu de solidarité active est au nombre des décisions imposant une sujétion et doit, par suite, être motivée en application de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration. Il en résulte qu’une telle décision doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. A ce titre, l’autorité administrative doit faire figurer dans la motivation de sa décision la nature de la prestation et le montant des sommes réclamées, ainsi que le motif et la période sur laquelle porte la récupération. En revanche, elle n’est pas tenue d’indiquer dans cette décision les éléments servant au calcul du montant de l’indu. Par suite, en jugeant que la décision de récupération prise à l’égard de Mme C…n’avait pas à établir les bases de liquidation de l’indu qui lui était réclamé, le tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.
4. En deuxième lieu, si Mme C…fait valoir que l’article L. 114-21 du code de la sécurité sociale ne serait pas compatible avec les articles 10, 11 et 13 de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, ce moyen, qui n’est pas d’ordre public, est nouveau en cassation et ne peut, dès lors, qu’être écarté.
5. En troisième lieu, en jugeant que, sur la période de référence pour le calcul de ses droits, Mme C…avait indiqué dans chacune de ses déclarations trimestrielles de ressources qu’elle était sans ressource ni activité et qu’elle n’avait jamais mentionné l’activité non salariée d’auto-entrepreneur qu’elle avait entreprise à compter du mois de décembre 2013, le tribunal a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine qui est exempte de dénaturation.
Sur le jugement attaqué, en tant qu’il statue sur l’amende administrative :
6. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 262-52 du code de l’action sociale et des familles : » La fausse déclaration ou l’omission délibérée de déclaration ayant abouti au versement indu du revenu de solidarité active est passible d’une amende administrative prononcée et recouvrée dans les conditions et les limites définies, en matière de prestations familiales, aux sixième, septième, neuvième et dixième alinéas du I, à la seconde phrase du onzième alinéa du I et au II de l’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale. La décision est prise par le président du conseil départemental (…) « . Aux termes du sixième, devenu septième alinéa du I de l’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale, auquel il est ainsi renvoyé : » (…) Le directeur de l’organisme concerné notifie le montant envisagé de la pénalité et les faits reprochés à la personne en cause, afin qu’elle puisse présenter ses observations écrites ou orales dans un délai d’un mois. A l’issue de ce délai, le directeur de l’organisme prononce, le cas échéant, la pénalité et la notifie à l’intéressé (…) « . Il résulte de ces dispositions qu’une amende administrative ne peut être infligée par le président du conseil départemental à un allocataire du revenu de solidarité active sans que ce dernier ait été mis en mesure de présenter ses observations écrites ou orales et, notamment, sans qu’il ait été fait droit à la demande d’audition qu’il aurait formée en vue de présenter des observations orales, alors même qu’il aurait également présenté des observations écrites.
7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’en réponse au courrier du 5 juillet 2016 par lequel le président du conseil départemental de l’Orne lui faisait savoir qu’il envisageait de prononcer à son encontre une amende administrative sur le fondement de l’article L. 262-52 du code de l’action sociale et des familles, A… C…a, par un courrier du 8 juillet 2016, sollicité un entretien qui ne lui a pas été accordé. Par suite, en jugeant que les obligations de la procédure contradictoire prévues par l’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale avaient été respectées dès lors que MmeC…, par ce courrier, avait pu présenter des observations écrites, le tribunal a commis une erreur de droit. Le moyen retenu suffisant à entraîner l’annulation du jugement en tant qu’il se prononce sur l’amende administrative qui lui a été infligée, il n’est pas nécessaire d’examiner l’autre moyen du pourvoi tendant aux mêmes fins.
Sur le jugement attaqué, en tant qu’il statue sur les droits au revenu de solidarité active :
8. D’une part, la présente décision rejette les conclusions de Mme C…dirigées contre le jugement attaqué en tant qu’il se prononce sur la récupération d’indu. D’autre part, l’erreur de droit relevée au point 7 est sans incidence sur le bien-fondé de ce jugement, en tant qu’il se prononce sur les droits de la requérante au revenu de solidarité active à compter du 1er janvier 2017. Par suite, Mme C…n’est pas fondée à demander l’annulation du jugement dans cette mesure par voie de conséquence de son annulation en tant qu’il se prononce sur la récupération d’indu et sur l’amende administrative prononcée à son encontre.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C…est fondée à demander l’annulation du jugement qu’elle attaque en tant seulement qu’il rejette ses conclusions tendant à l’annulation de la décision implicite confirmant l’amende administrative qui lui a été infligée.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond, dans la mesure de la cassation prononcée, en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.
11. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que la décision par laquelle le président du conseil départemental de l’Orne a infligé à Mme C…une amende administrative sur le fondement de l’article L. 262-52 du code de l’action sociale et des familles est intervenue au terme d’une procédure irrégulière. Mme C…est par conséquent fondée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens qu’elle soulève au soutien des mêmes conclusions, à demander l’annulation de cette décision.
12. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions du département de l’Orne présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par la SCP Ohl, Vexliard, avocat de Mme C…qui n’est pas gagnante au principal.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 21 décembre 2017 est annulé en tant qu’il rejette les conclusions de Mme C…relatives à l’amende administrative qui lui a été infligée.
Article 2 : La décision implicite par laquelle le président du conseil départemental de l’Orne a rejeté le recours administratif de Mme C…contre la décision du 15 septembre 2016 lui infligeant cette amende est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme C…est rejeté.
Article 4 : Les conclusions du département de l’Orne présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B…C…et au département de l’Orne.
Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé et à la caisse d’allocations familiales de l’Orne.