Le créancier d’un débiteur qui sollicite l’ouverture d’une procédure de faillite civile sur le fondement de l’article L. 670-1 du code de commerce, a un intérêt personnel à intervenir à la procédure pour s’opposer à la liquidation judiciaire sollicitée dans la mesure où la procédure collective aurait des conséquences directes sur l’étendue et les conditions d’exercice de ses droits.
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La décision de la Cour d’appel de Colmar, 17 mars 2009, 07/03490 :
Cour d’appel de Colmar
premiere chambre civile – section a
Audience publique du mardi 17 mars 2009
N° de RG: 07/03490
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
MH / SD
MINUTE No
Copie exécutoire à
-Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY
-Me Dominique D’AMBRA
Copie à M. le PG
Arrêt notifié aux parties
Le 17. 03. 2009
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE-SECTION A
ARRET DU 17 Mars 2009
Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A 07 / 03490
Décision déférée à la Cour : 27 Juillet 2007 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG
APPELANT :
Monsieur Klaus Peter Y…
…
67000 STRASBOURG
représenté par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la Cour
INTIMEE :
COREALCREDIT BANK AG, nouvelle dénomination de la ALLGEMEINE HYPOTHEKENBANK RHEINBODEN AG
Bockenheimer Landstrasse 25
60325 FRANKFURT AM MAIN (ALLEMAGNE)
Représentée par Me Dominique D’AMBRA, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 09 Février 2009, en chambre du conseil, devant la Cour composée de :
M. HOFFBECK, Président de Chambre, entendu en son rapport
M. CUENOT, Conseiller
M. ALLARD, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme ARMSPACH-SENGLE
Ministère Public :
représenté lors des débats par Monsieur François JURDEY, avocat général, qui a fait connaître son avis et dont les réquisitions écrites ont été communiquées aux parties.
ARRET :
– Contradictoire
-prononcé en chambre du conseil par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
– signé par M. Michel HOFFBECK, président et Mme Christiane MUNCH-SCHEBACHER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Selon une requête déposée au greffe le 20 février 2007, Monsieur Y…, de nationalité allemande, se disant domicilié…, a déclaré son insolvabilité notoire et a demandé l’ouverture à son profit d’une procédure de redressement judiciaire de droit local, subsidiairement sa mise en liquidation judiciaire.
La Société ALLGEMEINE HYPOTHEKENBANK RHEINBODEN AG, l’un de ses principaux créanciers, est intervenue volontairement à l’instance pour s’opposer à la demande.
Monsieur Y… a soulevé l’irrecevabilité de cette intervention volontaire.
Par jugement du 27 juillet 2007, retenant notamment que l’installation du débiteur à Strasbourg avait uniquement été faite pour bénéficier d’une procédure plus favorable qu’en Allemagne, alors que le passif allégué était de 16 millions d’euros, et que dès lors la mauvaise foi était caractérisée, le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg (Chambre civile), après avoir déclaré l’intervention volontaire de la Société ALLGEMEINE HYPOTHEKENBANK RHEINBODEN AG recevable, a rejeté la demande formée par Monsieur Y….
Selon une déclaration enregistrée au greffe le 2 août 2007, Monsieur Y… a interjeté appel de cette décision.
Par ses dernières conclusions déposées le 30 octobre 2008, il demande à la Cour de constater son état d’insolvabilité notoire, de prononcer l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, subsidiairement de redressement judiciaire, de déclarer irrecevable et en tout cas mal fondée l’intervention volontaire de la Société ALLGEMEINE HYPOTHEKENBANK RHEINBODEN AG, enfin de la condamner au paiement d’une somme de 1000 Euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Au soutien de son appel, Monsieur Y… fait valoir :
– qu’en vertu des dispositions combinées de l’article L. 670-1 du Code de Commerce et du Règlement communautaire 1346 / 2000 du 29 mars 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, le tribunal compétent pour statuer sur une demande d’ouverture de la faillite civile de droit local est celui dans le ressort duquel le débiteur a le centre des principaux intérêts ;
– que s’agissant d’un fait juridique, la détermination de ce centre des intérêts s’établit par tous moyens ;
– qu’en l’occurrence, Monsieur Y…, qui est marié sous le régime de la séparation des biens, mais qui est séparé de son épouse depuis 2003, est domicilié à Strasbourg, où il a le centre de ses principaux intérêts ; qu’en effet, il y a travaillé avant d’être retraité ; qu’il y touche sa pension de retraite ; qu’il y dispose d’un compte bancaire ; qu’il établit y vivre au quotidien ; qu’il y est connu par ses créanciers et ses interlocuteurs comme vivant à cette adresse en France ;
– que le premier juge a d’ailleurs considéré qu’il était compétent à cet égard ;
– que le concluant est soutenu financement par ses filles, ce qui lui permet de régler l’essentiel de ses achats en liquide ;
– qu’il est indifférent que le concluant ait pu recevoir divers courriers à une adresse qui, selon le premier juge, était précisément celle du Cabinet d’avocats X… & PARTNER, par l’intermédiaire duquel le débiteur s’était adressé à différents créanciers pour tenter d’obtenir un règlement amiable des dettes ; que différents interlocuteurs en ont donc eu connaissance et ont continué à lui écrire à cette adresse ;
– que le document d’enquête INFODATEX, produit par la Société ALLGEMEINE HYPOTHEKENBANK RHEINBODEN AG, est formellement contesté, car partant de postulats non vérifiés ; qu’ainsi, alors que cet organisme s’était renseigné auprès de l’assureur retraite sur le numéro de compte de Monsieur Y…, il ne précise pas que cette retraite est bien versée en France sur un compte en France, et ce qui explique que le concluant ait pu être vu à MUNSING par un voisin ; que ce voisin n’a d’ailleurs pas indiqué que le concluant vivait toujours à MUNSING ;
– que le concluant n’habite plus dans cette ville depuis des années ;
– que le bien immobilier situé à MUNSING, auquel il est fait référence, est un bien propre de Madame Y…, qui demeure toujours à cette adresse ; que le concluant s’y rend à certaines occasions pour fêter l’anniversaire d’un petit fils ou d’une petite fille ;
– qu’INFODATEX précise que le concluant aurait des participations dans différentes sociétés ; que la société KOKU n’a cependant plus d’activité depuis plusieurs années ; que la société CLAUS Y… Gmbh a été cédée par le concluant en 1994 ; que la société GAWAG à BERLIN se trouve depuis 2002 en procédure de redressement ; que la société MERTEC à BERLIN a été radiée d’office ; que le concluant n’a jamais eu de participation dans une société THOMAS RUPP et CLAUS Y… ; que la société AXENA Gmbh n’appartient pas au concluant ; qu’enfin, s’agissant de la société NOVOTERRA IMMOBILIENAG, le concluant était son directeur et n’avait aucune participation ; qu’il en résulte que la note de renseignements produite par l’intervenant volontaire ne peut être prise en compte ;
– que rien ne permet de douter du domicile réel du concluant, qui est, conformément à l’article 102 du Code Civil, le principal établissement de Monsieur Y… .
L’appelant fait encore valoir :
– que la bonne foi est toujours présumée selon le principe découlant de l’article 2268 du Code Civil ;
– qu’ainsi, la demande de redressement ou de liquidation judiciaire ne peut être rejetée que s’il existe des éléments de fait suffisants pour caractériser la mauvaise foi du débiteur ;
– qu’en retenant que la bonne foi devait être recherchée dans la domiciliation, le premier juge a dénaturé les termes de l’article L. 670-1 du Code de Commerce ;
– qu’en effet, la condition de domicile est une condition autonome pour l’application de ce texte ;
– que le fait, pour un ressortissant de la Communauté Economique Européenne, de s’installer dans un autre Etat, alors qu’il est dans un régime de libre circulation, ne peut être considéré comme un choix frauduleux ;
– que le concluant établit de surcroît avoir transféré ses centres d’intérêts principaux en France ;
– que demeurant et vivant en France, le concluant ne bénéficie ni plus ni moins de droits que toute autre personne domiciliée dans l’un des trois départements du Rhin et de la Moselle ; que dénier ses droits à Monsieur Y… serait de nature à créer une discrimination à son égard, alors qu’il remplit par ailleurs toutes les conditions de l’article L. 670-1 du Code de Commerce ;
– que son passif est essentiellement constitué par les cautions qu’il avait été amené à donner au profit de différentes sociétés porteuses de projets immobiliers, les prêts n’ayant pu être remboursés en raison de l’effondrement du marché immobilier ;
– que la condition d’insolvabilité notoire est incontestablement remplie, le concluant devant faire face à un passif extrêmement important de plus de 18 millions d’euros ;
– que sa situation financière actuelle est telle qu’après paiement des charges incompressibles, il ne lui reste plus aucun disponible pour apurer une quelconque dette ;
– que les loyers dont il dispose en Allemagne sont immédiatement saisis par les établissements de crédit.
S’agissant de l’intervention volontaire de la Société ALLGEMEINE HYPOTHEKENBANK RHEINBODEN AG, l’appelant l’estime irrecevable, motifs pris :
– que cette intervention n’est ni principale, ni accessoire ;
– qu’en effet, pour que l’intervention soit considérée comme principale, il est nécessaire que le créancier élève une prétention à son profit, ce qui n’est pas le cas dans la présente procédure ;
– qu’ensuite, l’intervention accessoire s’appuyant sur les prétention d’une partie, cette exigence n’est pas davantage satisfaite ; que le Ministère Public émet simplement un avis dans la procédure dont il doit avoir communication.
Par ses dernières conclusions déposées le 18 juillet 2008, la COREALCREDIT BANK AG, nouvelle dénomination de la ALLGEMEINE HYPOTHEKENBANK RHEINBODEN AG, demande à la Cour de déclarer l’appel irrecevable et en tout cas mal fondé, de le rejeter et condamner Monsieur Y… au paiement d’une somme de 2000 Euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle estime préalablement que son intervention volontaire est recevable, motifs pris :
– qu’étant créancier pour environ 4, 5 millions de francs suisses, elle a intérêt et qualité pour agir dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire et s’opposer à ce que Monsieur Y… bénéficie des dispositions favorables en matière d’extinction du passif résultant du droit local ;
– qu’ayant conclu au rejet de la demande en première instance et concluant à la confirmation de la décision entreprise, elle émet bien une prétention à son profit ;
– qu’un créancier peut d’ailleurs former tierce opposition à l’encontre du jugement d’ouverture pour établir la mauvaise foi du débiteur ; qu’il peut donc a fortiori intervenir à la procédure de liquidation judiciaire par le biais d’une intervention principale pour établir cette mauvaise foi et s’opposer à l’ouverture d’une telle procédure ;
– que subsidiairement, l’intervention serait pour le moins accessoire, la concluante venant soutenir les prétentions du Ministère Public, qui ne manquera pas de s’opposer à la tentative de fraude à la loi dont se rend coupable Monsieur Y… ;
– que le Ministère Public est une partie au procès ; qu’il importe peu qu’il soit une partie principale ou une partie jointe.
L’intervenante volontaire, intimée par l’appel, fait encore valoir au fond :
– que Monsieur Y… a ses attaches familiales et affectives en Allemagne ;
– que tous ses revenus proviennent d’Allemagne ;
– que le débiteur n’est pas de bonne foi lorsqu’il prétend que ce n’est qu’une fois installé en France qu’il a consulté le Cabinet du Dr X… pour s’informer sur sa situation juridique ; qu’en réalité, il a commencé par consulter ce Cabinet, puis s’est installé en France au…, adresse de ce Cabinet ;
– que le débiteur relevant du droit communautaire, l’article 3 du Règlement CE 1346 / 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité est applicable, de sorte que c’est le centre de ses intérêts principaux qui est déterminant ;
– que les éléments du dossier démontrent que ce centre n’est pas en France ;
– qu’ensuite, l’installation de Monsieur Y… à Strasbourg a été faite dans un seul but, celui de bénéficier d’une procédure plus favorable que la procédure allemande, alors que son passif allégué est de l’ordre de 16 millions d’euros ;
– qu’il s’agit d’une fraude à la loi ;
– qu’il n’existe chez Monsieur Y… aucune volonté de s’établir de manière durable en Alsace.
Monsieur le Procureur Général conclut à la confirmation du jugement entrepris. Il estime que Monsieur Y… n’a manifestement aucune attache en France et qu’il s’est installé à Strasbourg pour bénéficier d’une législation plus favorable ; qu’il n’est pas de bonne foi, les juridictions françaises n’ayant pas vocation à effacer les dettes de spéculateurs immobiliers étrangers et à compromettre ainsi l’ordre public économique interne d’un autre pays.
SUR CE, LA COUR
Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles la Cour se réfère pour plus ample exposé des faits et moyens ;
Attendu préalablement que, comme le tribunal l’a relevé à bon escient, la Société ALLGEMEINE HYPOTHEKENBANK RHEINBODEN AG justifie être créancière de Monsieur Y…, de sorte qu’elle a un intérêt personnel à intervenir à la présente procédure, en particulier pour s’opposer à la liquidation judiciaire sollicitée par son débiteur, laquelle procédure aurait des conséquences directes sur l’étendue et les conditions d’exercice de ses droits ; qu’il serait d’ailleurs contradictoire de ne pas admettre la recevabilité d’une telle intervention volontaire, alors que la loi donne au créancier la possibilité de former une tierce opposition à l’encontre d’un jugement d’ouverture ;
Attendu qu’aux termes de l’article L. 670-1 du Code de Commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005, applicable à la présente procédure, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire peut être prononcé à l’égard des personnes physiques (et à leur succession) domiciliées dans les départements du Rhin et de la Moselle, et qui ne sont ni commerçants, ni artisans, ni agriculteurs, ni des personnes exerçant toute autre activité professionnelle indépendante, lorsqu’elles sont de bonne foi et en état d’insolvabilité notoire ;
Attendu cependant que, avant d’examiner si les conditions de fond liées à la domiciliation dans les départements du Rhin et de la Moselle, à la bonne foi et à l’insolvabilité notoire sont réunies, et en présence d’éléments d’extranéité, il convient de vérifier la conformité de la procédure aux dispositions de l’article 3 du Règlement CE no 1346 / 2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, auxquelles se réfère d’ailleurs Monsieur Y…, et aux termes desquelles seules les juridictions de l’Etat membre sur lequel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité ;
Attendu que Monsieur Y…, de nationalité allemande, déclare avoir exercé son activité dans la prospection immobilière en Allemagne pendant 35 ans ; qu’il expose avoir fait à cette occasion de mauvaises affaires ; qu’il s’était porté caution au profit de sociétés porteuses de projets immobiliers, mais que différents prêts n’ont pu être remboursés en raison d’un effondrement du marché immobilier, ayant entraîné une cessation des locations ; qu’il dit être arrivé à Strasbourg en 2005 ; qu’il a résidé pendant deux mois au…, avant de s’installer définitivement à son adresse actuelle,… ; qu’après avoir travaillé pendant quelques mois pour une société strasbourgeoise, il a démissionné et bénéficie depuis le 31 août 2006 uniquement de sa pension de retraite, étant âgé de 68 ans ; qu’il ne dispose aujourd’hui que de sa seule retraite, soit un peu plus de 400 Euros par mois, auquel s’ajoute le soutien financier de ses deux filles ; qu’il déclare vivre séparément de sa femme depuis 2003, avec laquelle il était mariée sous le régime de la séparation de biens ;
Attendu cependant qu’il est établi au dossier que l’arrivée de Monsieur Y… à Strasbourg s’est faite dans des conditions très particulières ; qu’en effet, comme relevé par le tribunal, il ressort d’un courrier versé aux débats par la Société ALLGEMEINE HYPOTHEKENBANK RHEINBODEN AG et que lui avait adressé le
23 septembre 2005 le Cabinet de conseil X… et PARTNER,…, que Monsieur Y… avait chargé ce Cabinet, dont le site Internet fait ressortir l’intérêt de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité en France plutôt qu’en Allemagne, de vérifier auprès de ses créanciers l’éventualité d’un règlement de conciliation au lieu de l’introduction d’une procédure d’insolvabilité ;
Attendu que le tribunal en a exactement déduit qu’il était ainsi établi qu’avant de venir s’installer en Strasbourg et d’y chercher un emploi, Monsieur Y… avait pris le soin de mesurer l’opportunité d’entamer ou non une procédure d’insolvabilité en Alsace-Moselle, étant constant que le droit local en vigueur dans les départements du Rhin et de la Moselle permet aux débiteurs personnes physiques (ni commerçants, ni artisans, ni agriculteurs, ni exerçant toute autre activité professionnelle indépendante) d’obtenir l’ouverture d’une telle procédure, lorsqu’elles sont de bonne foi et en état d’insolvabilité notoire ; qu’une telle procédure permet au débiteur d’espérer un effacement immédiat de son passif, alors qu’en droit allemand cet effacement ne peut être obtenu qu’après une période d’observation de plusieurs années, au cours de laquelle un strict contrôle des revenus du débiteur est mis en oeuvre ; qu’il apparaît en conséquence que l’installation de Monsieur Y… à Strasbourg a été faite dans le seul but de bénéficier d’une procédure plus favorable qu’en Allemagne, alors que son passif allégué est de plus de 16 millions d’euros ;
Attendu que cela est corroboré par la domiciliation fictive de l’intéressé à l’adresse de ses conseils,…, où, comme le premier juge l’a fait ressortir, du courrier lui avait encore été adressé ultérieurement ;
Attendu certes que, après quelques semaines, Monsieur Y… se serait installé à son adresse actuelle, … ;
Attendu cependant que, au-delà de l’attestation délivrée par son bailleur, et même si Monsieur Y… règle la taxe d’habitation afférente à son logement, les pièces versées aux débats laissent à penser que le débiteur ne séjourne que très irrégulièrement à Strasbourg ; qu’en effet, comme relevé par le tribunal, les extraits de compte produits (sur une période très limitée) ne font apparaître aucune dépense de la vie courante autre que les charges fixes (les frais de gaz et d’électricité étant eux-mêmes très modérés), ni des retraits d’argent ;
Attendu que l’on peut également s’étonner qu’au mois de février 2006, la Société ALLGEMEINE HYPOTHEKENBANK RHEINBODEN AG écrivait encore à l’adresse de Monsieur Y… à MUNSING, où il admet que vit encore son épouse, dont il se dit séparé, dans un immeuble appartenant en propre à cette dernière ;
Attendu au demeurant que la seule pension de Monsieur Y… (400 Euros par mois), que lui verse une caisse allemande, ne lui permet même pas de faire face au paiement de son loyer et des charges ; que cela veut dire qu’il dissimule une partie de ses revenus, et ce même s’il reconnaît percevoir une aide en argent liquide de ses deux filles ;
Attendu surtout que les pièces versées aux débats révèlent que Monsieur Y… a non seulement exercé une importante activité dans l’immobilier à travers différentes sociétés allemandes, mais qu’il a également fait des investissements immobiliers à titre personnel ; qu’il estime aujourd’hui le passif lié à ses déboires dans l’immobilier à plus de 18 millions d’euros ; qu’il s’agit-là exclusivement de créances nées en Allemagne ;
Attendu que, selon l’appelant, la plupart de ces sociétés n’auraient plus d’activité et seraient en cours de radiation, ou seraient cédées ; que l’une d’elles se trouverait depuis 2002 en redressement judiciaire ;
Attendu toutefois qu’il a indiqué dans l’inventaire de ses biens qu’il détenait encore des participations dans trois sociétés allemandes ;
Attendu enfin que les pièces produites démontrent que Monsieur Y… a fait l’acquisition d’un château à Jena-Lobeda (Allemagne), d’une valeur de 3, 5 millions d’euros ; qu’à l’audience, son avocat a précisé que cette seule opération immobilière avait généré un important passif et que cet immeuble ferait actuellement l’objet d’une adjudication forcée ;
Attendu qu’il est également établi que Monsieur Y… détient un autre immeuble en Allemagne, de valeur moins élevée ;
Attendu ainsi que, devant faire face à un passif considérable né en Allemagne et veiller à la protection de ses intérêts tant mobiliers qu’immobiliers subsistant dans ce pays, reconnaissant ensuite voir régulièrement ses enfants et petits enfants à son ancienne adresse de MUNSING (Allemagne), où vit toujours son épouse dont il se dit simplement séparé de fait, et sa domiciliation à Strasbourg ne revêtant qu’un caractère fictif, car manifestement réalisée dans le seul but d’obtenir un effacement plus rapide de ses dettes en application du droit local alsacien-mosellan, Monsieur Y… ne démontre pas avoir transféré en France le centre de ses intérêts principaux au sens du Règlement CE 1346 / 2000 ;
Attendu en conséquence que, substituant partiellement ces motifs à ceux des premiers juges, il convient de rejeter l’appel et de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a refusé d’ouvrir une procédure d’insolvabilité notoire ;
Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la COREALCREDIT BANK AG anciennement ALLGEMEINE HYPOTHEKENBANK RHEINBODEN AG la charge de ses frais relevant de l’article 700 du Code de Procédure Civile à hauteur de la somme de 1200 Euros ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Constate que ni la régularité formelle ni la recevabilité de l’appel ne sont contestées ;
Au fond :
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de Monsieur Y… tendant à obtenir l’ouverture d’une procédure de faillite civile de droit local ;
Condamne Monsieur Y… à payer à la COREALCREDIT BANK AG anciennement Société ALLGEMEINE HYPOTHEKENBANK RHEINBODEN AG une somme de 1200 Euros (mille deux cents euros) au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
Le condamne aux dépens.
Le Greffier : Le Président :