Conseil d’État, 1ère – 6ème chambres réunies, 17 novembre 2017, 400606
Numéro d’arrêt : 400606
Numéro NOR : CETATEXT000036040476
Vu la procédure suivante :
M. A…B…a demandé au tribunal administratif de Marseille, d’une part, d’annuler la décision du 11 mars 2015 par laquelle la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône a refusé de lui accorder la remise d’un indu de revenu de solidarité active de 7 027,70 euros et, d’autre part, de lui accorder la remise de sa dette. Par un jugement n° 1502917 du 14 avril 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juin et 12 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. B…demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler ce jugement ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’action sociale et des familles ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Sabine Monchambert, conseiller d’Etat,
– les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M.B….
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu’à la suite d’un contrôle de la caisse d’allocations familiales ayant révélé que M. B…n’avait pas déclaré les aides qu’il avait reçues de sa mère et de sa fille, le département des Bouches-du-Rhône a réclamé à l’intéressé un indu de revenu de solidarité active d’un montant de 7 027,70 euros au titre des années 2013 et 2014. Par le jugement attaqué du 14 avril 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B…tendant à l’annulation de la décision du 11 mars 2015 par laquelle le département a refusé de lui accorder la remise gracieuse de cet indu.
2. D’une part, l’article L. 262-17 du code de l’action sociale et des familles dispose que : » Lors du dépôt de sa demande, l’intéressé reçoit, de la part de l’organisme auprès duquel il effectue le dépôt, une information sur les droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active (…) » et l’article R. 262-37 du même code prévoit que : » Le bénéficiaire de l’allocation de revenu de solidarité active est tenu de faire connaître à l’organisme chargé du service de la prestation toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments « .
3. D’autre part, aux termes de l’article L. 262-46 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : » Tout paiement indu de revenu de solidarité active est récupéré par l’organisme chargé du service de celui-ci ainsi que, dans les conditions définies au présent article, par les collectivités débitrices du revenu de solidarité active. / (…) La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général (…), en cas de bonne foi ou de précarité de la situation du débiteur, sauf si cette créance résulte d’une manoeuvre frauduleuse ou d’une fausse déclaration « . Il résulte de ces dispositions qu’un allocataire du revenu de solidarité active ne peut bénéficier d’une remise gracieuse de la dette résultant d’un paiement indu d’allocation, quelle que soit la précarité de sa situation, lorsque l’indu trouve sa cause dans une manoeuvre frauduleuse de sa part ou dans une fausse déclaration, laquelle doit s’entendre comme désignant les inexactitudes ou omissions qui procèdent d’une volonté de dissimulation de l’allocataire caractérisant de sa part un manquement à ses obligations déclaratives.
4. Lorsqu’il statue sur un recours dirigé contre une décision rejetant une demande de remise gracieuse d’un indu de revenu de solidarité active, il appartient au juge administratif d’examiner si une remise gracieuse totale ou partielle est justifiée et de se prononcer lui-même sur la demande en recherchant si, au regard des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre parties à la date de sa propre décision, la situation de précarité du débiteur et sa bonne foi justifient que lui soit accordée une remise. Lorsque l’indu résulte de ce que l’allocataire a omis de déclarer certaines de ses ressources, il y a lieu, pour apprécier la condition de bonne foi de l’intéressé, hors les hypothèses où les omissions déclaratives révèlent une volonté manifeste de dissimulation ou, à l’inverse, portent sur des ressources dépourvues d’incidence sur le droit de l’intéressé au revenu de solidarité active ou sur son montant, de tenir compte de la nature des ressources ainsi omises, de l’information reçue et de la présentation du formulaire de déclaration des ressources, du caractère réitéré ou non de l’omission, des justifications données par l’intéressé ainsi que de toute autre circonstance de nature à établir que l’allocataire pouvait de bonne foi ignorer qu’il était tenu de déclarer les ressources omises. A cet égard, si l’allocataire a pu légitimement, notamment eu égard à la nature du revenu en cause et de l’information reçue, ignorer qu’il était tenu de déclarer les ressources omises, la réitération de l’omission ne saurait alors suffire à caractériser une fausse déclaration.
5. Pour rejeter le recours de M. B…contre le refus de remise gracieuse de l’indu dont le remboursement lui était demandé, le tribunal, après avoir constaté que l’intéressé n’avait pas déclaré, alors qu’elles devaient l’être, les aides versées par sa mère et sa fille au cours des périodes litigieuses, a jugé que cette omission devait être regardée comme ayant été délibérément commise au sens de l’article L. 262-46 du code de l’action sociale et des familles du seul fait de sa réitération. Eu égard notamment à la nature des ressources en cause, le tribunal a commis une erreur de droit en déduisant du seul caractère réitéré de l’omission ainsi commise que l’intéressé n’avait pu de bonne foi ignorer son obligation de déclarer ces ressources.
6. Par suite, et sans qu’il besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, M. B… est fondé à demander l’annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille qu’il attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône une somme de 3 000 euros à verser à M. B…au titre des frais par lui exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 avril 2016 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée au tribunal administratif de Marseille.
Article 3 : Le département des Bouches-du-Rhône versera à M. B…une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A…B…et au département des Bouches-du-Rhône.
Maître ,
Je souhaite vous confier la défense de mes intérêts dans le cadre d’un litige qui m’oppose à la CAF.
Monsieur,
Je vous en remercie. Il vous suffit de me contacter via le formulaire sur cette page https://avocat-desfarges.fr/recours-tribunal-administratif/caisse-allocation-familiale-trop-percu-remboursement/.
Cordialement,
Pierre Henry DESFARGES