Cas classique : des époux louent leur logement conjugal durant le mariage. A l’issue de la procédure de divorce amiable, l’un d’entre eux décide de se maintenir dans le logement. Il cesse de payer les loyers, et le bailleur réclame le paiement de son dû à l’époux qui a quitté le domicile conjugal et expose donc des frais de logement par ailleurs…
Depuis 2015 le divorce judiciaire permet de faire cesser l’hémorragie et de désolidariser l’époux qui n’occupe plus les lieux, à compter de la transcription du jugement de divorce, pourvu que l’attribution du droit au bail ait été demandé au juge.
Mais puisque, désormais, il existe un divorce non judiciaire, il importe d’examiner en détail cette question de la cotitularité du bail locatif, de sa conséquence – la solidarité à l’égard du bailleur -, et des effets du divorce pour les époux locataires d’un divorce conventionnel.
La cotitularité du bail d’habitation entre les époux
La cotitularité du bail d’habitation peut résulter du bail intrinsèquement si les deux conjoints ont signé le contrat de location. C’est la cotitularité conventionnelle du bail locatif entre les époux.
Si ce n’est pas le cas, le législateur a instauré une cotitularité légale pour les couples mariés. L’article 1751 du Code civil dispose en effet que :
« le droit au bail du local […] qui sert effectivement à l’habitation des deux époux, quel que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute convention contraire et même si le bail a été conclu avant le mariage, […] est réputé appartenir à l’un et à l’autre des époux […] ».
Par conséquent, celui des époux qui n’a pas conclu le bail acquiert automatiquement la qualité de locataire par l’effet du mariage. Les deux époux sont alors tenus solidairement au paiement des loyers, qui constituent une dette ménagère au sens de l’article 220 du Code civil. Si bien que la fin du bail ne peut résulter que de l’accord des deux époux – le congé donné par l’un des époux n’étant pas opposable à l’autre – ou d’un congé du bailleur délivré aux deux époux, dès lors que l’existence du mariage a été portée à sa connaissance (L. n° 89-462 du 6 juill. 1989, art. 9-1).
Bail locatif et Jugement de Divorce
Le jugement de divorce peut avoir une incidence sur la cotitularité du bail locatif.
En cas de cotitularité légale, qui a pour fondement le mariage, il semble normal qu’elle tombe au moment du jugement de divorce qui met fin au mariage. L’article 1751 alinéa 2 du Code civil dispose que :
« En cas de divorce ou de séparation de corps, ce droit [au bail] pourra être attribué, […], par la juridiction saisie de la demande de divorce ou de séparation de corps, à l’un des époux, sous réserve des droits à récompense ou à indemnité au profit de l’autre époux. »
Donc, la cotitularité légale d’un bail locatif entre les époux prend fin lors de la transcription du jugement de divorce sur les registres de l’état civil. Et c’est confirmé depuis le 31 mai 2006 par la Cour de cassation.
Pour ce qui est de la cotitularité conventionnelle, qui résulte du contrat de bail signé par les deux époux lors de leur entrée dans les lieux tout dépend des termes du jugement de divorce. Depuis 2015, la Cour de cassation considère qu’il faut également faire application de l’article 1751 du Code civil. Le juge des affaires familiales peut mettre fin, dans son jugement de divorce, à la cotitularité conventionnelle entre les époux de leur bail locatif.
Le jugement de divorce met par conséquent fin à la cotitularité légale et à la cotitularité conventionnelle. Cela permet de mettre à l’abri l’époux évincé du droit au bail de toute demande en paiement de loyers échus postérieurement à la transcription du jugement de divorce, sans aucune formalité de sa part, notamment aucune nécessité de donner congé au bailleur. Si vous souhaitez plus d’informations, je suis avocat en divorce.
Le sort du logement loué entre les ex-époux en cas de divorce amiable
La nature de notre divorce par consentement mutuel a changé au 1er janvier 2017 : il est devenu conventionnel, et non plus judiciaire. Il n’y a plus de jugement de divorce par le juge des affaires familiales et, ce faisant, il n’y a plus d’application possible de l’article 1751 du Code civil. Ce qui signifie que l’attribution du droit au bail dans la convention de divorce signée par les époux ne vaut que dans les rapports entre eux. Il n’est pas opposable au bailleur.
La transcription par le Notaire du divorce amiable n’y changera rien. Les règles du bail signé par les deux époux continueront à s’appliquer, et notamment les règles de solidarité, plus ou moins étendues, contenues dans le contrat de location.
À tout le moins, l’époux qui a renoncé au bail devra signer et transmettre au bailleur un congé unilatéral par courrier recommandé avec avis de réception. Cela permettra de limiter sa solidarité dans le temps, et prévoir clairement l’action récursoire entre ex-époux qui suivra toute éventuelle condamnation au paiement des loyers. Même si le congé donné par un seul des époux titulaires du bail n’est pas opposable à l’autre et l’époux, qui a donné congé seul, reste solidairement tenu des loyers, comme l’a rappelé un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 19 juin 2002.